
Une diseuse de bonne aventure avait prédit à la jeune Marie-Josèphe-Rose de la Pagerie, en Martinique, qu’elle deviendrait plus qu’une reine. Le 2 décembre 1804, cette prédiction se réalisa : Joséphine fut couronnée impératrice dans la cathédrale Notre-Dame de Paris par l’Empereur Napoléon lui-même. L’autographe où elle évoque la dissolution de son mariage date de ses dernières années.
Que nous révèle la forme de cet écrit, ondulée comme la mer des Caraïbes entourant son île natale?
Effectivement, une impression de vagues lascives berce toute la page comme une plage, évoquant la fluidité des relations sociales. Les cycles répétés, d’une marge à l’autre, ainsi que les cercles envoûtants et les finales de lettres ornées de petits crochets, témoignent d’un talent pour captiver, accaparer, accrocher et subjuguer ses interlocuteurs, s’infiltrant dans les brèches et noyant les convictions les plus établies. Douce en apparence, telle la mer, la puissance du trait, par son encrage solide, révèle également la force intérieure toujours présente de la scriptrice.
Il n’y a guère plus d’espace entre les mots qu’entre sa vie publique et sa vie privée ; tout ici est étalé, livré, sacrifié. Le rythme semble cependant ralenti, moins précis, relâché, comme en proie à la mélancolie. La passionnée se mue en sentimentale. Restent ces grandes barres tranchantes, défenses légitimes et dangereuses. Elles coupent les hampes en deux, traversent et séparent le corps du « i » du point, comme le couperet de la guillotine auquel elle avait échappé de peu, contrairement à Alexandre de Beauharnais, son premier mari.
Une vie, une écriture, avec des creux et des sommets de vagues, comme ce 2 décembre 1804. Abnégation et domination se côtoient dans le graphisme, comme dans cette existence exceptionnelle de flux et de ressac, de grâce et de disgrâce.
