Voici un siècle, le 27 octobre 1924, naissait, à Paris, Alain Bombard. Il deviendra médecin, il se fera connaître en mettant au point une méthode de survie en mer. En 1952, pour la tester lui-même, il se laissera dériver à travers l’Atlantique à bord d’un canot pneumatique, sans eau ni vivres. Il rejoint les Caraïbes après 65 jours au jus de poissons, eau de pluie et plancton. Débute alors la reconnaissance. Son livre « Naufragé volontaire » est un succès, les canots de secours qui portent son nom, équipent désormais les bateaux et sauvent des marins. Figure télévisuelle des années 60 à 80, il sera aussi secrétaire d’État sous François Mitterrand, député. Il disparait en 2005.
Un naufragé volontaire est-il un aventurier, un écrivain, un suicidaire ? Que dit l’écriture ?
Cette petite écriture ronde, mobile, lisible, n’est pas le stéréotype de l’écriture de médecin !
Posée, analytique, affective, elle est plutôt ordinaire pour un homme dont la vie ne fut pas banale.
Elle révèle plus la réflexion que l’action, le goût des lettres, de l’étude que du risque. La mise en danger semble plus un moyen qu’une fin.
Il y a une part enfantine, ludique, solitaire dans cette écriture. Sur ces points, elle fait penser au manuscrit d’Antoine de Saint-Exupéry. Le récit pour les deux, la carlingue pour l’un, le canot pour l’autre, le naufrage dans des dunes ou les flots.
La signature les sépare. Alain Bombard signe Alain, en grand (reconnaissable au seul prénom comme le philosophe) avec ce trait final en longue traine comme le symbole du fil de pêche, seul lien à la vie pendant son épreuve.
« dit Bombard » avec un B majuscule en forme de bôme au-dessus du pont est une expression étonnante, une distanciation au patronyme. Alain semble désigner l’intime, Bombard, le pressentiment (ou le souhait) que le produit industrialisé, mondial, un jour efface la trace de sa personne. Heureusement, des manuscrits demeurent et ne meurent.
